Ordre | Anisoptères |
Famille | Aeshnidae |
Genre | Aeshna |
Espèce | Aeshna subarctica elisabethae |
Listes rouges régionales | Selon régions | ||
|
|||
Déterminante ZNIEFF | Selon région | ||
|
L’espèce est extrêmement localisée en France avec seulement deux noyaux de population, le premier dans le massif vosgien et le second dans le massif du Jura. Une partie de la population jurassienne est connectée à une population suisse.
Aeshna subarctica est une espèce holarctique, dont la sous-espèce nominale est présente en Amérique du Nord, où elle a initialement été décrite (Canada, Alaska et États les plus au Nord des États-Unis contigus). En France, on trouve la sous-espèce elisabethae qui occupe quant à elle une vaste zone couvrant la partie nord de l’Europe et de l’Asie (Japon, Corée, Chine) (Boudot & Kalkman, 2015).
C’est une espèce que l’on rencontre au niveau de pièces d’eau peu profondes, oligotrophes, et plutôt acides. Les sites de reproduction se trouvent typiquement dans des tourbières à sphaignes présentant des dépressions en eau permanentes. Celles-ci sont de préférence entourées d’une ceinture boisée de conifères (Pinus mugo uncinata, Pinus sylvestris, Picea abies…) ou de feuillus (Betula spp.). Elle a une préférence marquée pour les tourbières de transition présentant des radeaux flottants (Caricion lasiocarpae Vanden Berghen in Lebrun, Noirfalise, Heinemann & Vanden Berghen 1949). Des habitats parfois secondaires peuvent être utilisés par l’espèce, même si cela ne semble pas être le cas partout en Europe (Kalniņš, 2012, Scholl, 2002, Vallat et al., 2020). La femelle pond principalement au sein des mousses (Sphagnum, Drepanocladus, Cinclidium, Straminergon, Hamatocaulis ou Warnstorfia) composant les radeaux flottants, et l’essentiel des éclosions se déroule après une diapause hivernale. Exceptionnellement cette aeschne peut aussi pondre au sein de la végétation herbacée morte dans l’eau ou sur le substrat même (Sternberg, 1982). Le développement larvaire s’étend ensuite sur trois à quatre ans et seize à dix-huit stades larvaires dans les pièces d’eau qui font office de refuge thermique dans des tourbières par ailleurs froides tout ou partie de l’année (Sternberg, 1993, Wildermuth, 2013). Les émergences ne sont pas synchronisées car elle s’étalent en général sur 6 à 7 semaines sur une même station (Boudot et al., 2017), les larves se perchent alors sur des herbacées à feuilles fines en bordures de pièce d’eau (Carex spp. Eriophorum spp...). Dans ces habitats, elle côtoie très souvent Aeshna juncea, Leucorrhinia dubia, Somatochlora arctica ou encore S. alpestris. Elle a des exigences écologiques plus strictes que ces dernières espèces ce qui explique sa présence sur une surface beaucoup réduite. Lors des journées les plus ensoleillées, les mâles adultes patrouillent à la cime des arbres et le long des pièces d’eau stagnantes à la recherche de femelles en ponte ou s’activent à défendre leur territoire face à des mâles rivaux. L’observation à l’aide de jumelles peut alors faciliter la détection de l’espèce. Les boisements environnants servent de zone de maturation, mais également de zone de repos pour les adultes lors des journées aux conditions moins favorables à la reproduction. Des individus peuvent alors être rencontrés posés sur les troncs et accrochés aux branches des arbres constituant cette ceinture boisée. Une prospection méthodique est souvent nécessaire pour croiser cette aeschne dont les effectifs sont souvent réduits sur les sites de ponte. En raison de leur fragilité et de leur taille parfois réduite, il importe d’observer une démarche prudente et raisonnée lors de la conduite des prospections.
Modification des systèmes hydriques, drainage, réchauffement climatique, isolement génétique des populations occidentales, fermeture des milieux et surfréquentation des sites de reproduction sont autant de menaces qui pèsent sur cette espèce considérée comme potentiellement menacée à l’échelle nationale. L’espèce est particlièrement menacée par les sécheresses répétées de ces dernières années sur les tourbières qu’elle fréquente. Elle semble cependant réagir positivement aux renaturations de tourbières côté helvète et (re)colonise rapidement les sites réaménagés jurassiens (Vallat et al., 2020). Cette réappropriation rapide est liée à son fonctionnement en métapopulation, mais son intensité reste fortement dépendante de la nature et de la distribution des stations périphériques. La conservation voire la restauration des tourbières dégradées (drainage, comblement) est donc une condition sine qua non pour assurer le maintien de l’espèce sur le moyen et long terme.
La majorité des observations correspondent à des données d’imagos. A titre d’exemple, en Bourgogne-Franche-Comté, seulement 20 % des données de l’espèce concernent des exuvies (Genin et al., 2022). Un effort doit donc être entrepris pour augmenter les recherches des exuvies de ce taxon pour connaître finement les habitats larvaires utilisés et mieux estimer la taille des populations sur les différentes stations. Par ailleurs, les stations avec un autochtonie avérée sont probablement presque toutes renseignées.
Avec les sécheresses estivales de ces dernières années, un suivi plus fin serait nécessaire pour en évaluer les répercussions sur les stations actuelles et historiques de l’espèce. Dans le cadre des opérations de restauration de tourbières dans les Vosges et le Jura, un suivi après chantier devrait être proposé afin de renseigner l’éventuelle dynamique de recolonisation des milieux par l’espèce. Il semble y avoir une contraction de l’aire de présence de l’espèce avec des stations non confirmées récemment dans le sud du massif du Jura et à l’ouest du massif des Vosges.
Une session d'observation = 1 observateur + 1 lieu + 1 date
La fréquence de l’espèce dans les sessions de terrain est en baisse malgré des prospections spécifiques menées sur ces habitats de prédilection ces dernières années. Cela semble donc indiquer une tendance plutôt négative de la dynamique des populations de l’espèce. Le pourcentage de maille déjà très faible sur la période 1985-1989 semble également en légère baisse se qui rejoint le constat d’une contraction de l’aire de présence de l’espèce sur ces deux bastions. Des prospections ciblées complémentaires pourraient permettre de mieux comprendre la dynamique des populations actuelles, voire d’en déceler de nouvelles sur des sites peu inventoriés.
Le nombre de mailles cumulées de présence de l’espèce a augmenté régulièrement entre 1985 et 2019. Cependant, le nombre de maille avec présence de l’espèce est en légère diminution par rapport à la période 1985-1989 ou 2000-2004. Ces deux éléments traduisent donc une découverte de nouvelles stations sur cette période (augmentation du nombre de mailles cumulées) mais une non observation sur des mailles « historiques ». De fait, cet indicateur doit mettre en valeur une situation préoccupante à l’échelle européenne où elle a déjà disparu de certaines localités. La non-observation de l’espèce sur certaines stations françaises au cours des cinq dernières années amène à une grande vigilance, ce d’autant que l’assèchement de nombreuses zones de ponte a été constaté.
Ex : 40% signifie que 40% des mailles d'observation de l'espèce se situe dans la région considérée.
Deux régions, Bourgogne-Franche-Comté et Grand-Est, concentrent la quasi totalité des stations et donc la responsabilité de la conservation de l’espèce sur notre territoire.
La période de vol est plutôt tardive avec un pic marqué en août qui concentre plus de la moitié des observations d’imagos. Le mois de juillet est également assez favorable à l’observation des adultes.
Altitude min. | 320m |
Altitude max. | 1242m |
80% des observations sont entre 759m et 1123m |
La très grande majorité des observations sont réalisées entre 600 et 1200 m avec un maximum dans la tranche 800 – 1000 m. Les observations réalisées en dessous de 600 mètres correspondent sans doute à des individus en dispersion car dans le massif du Jura, les stations avec preuve de développement larvaire s’échelonnent entre 830 et 1100 et dans le massif vosgien, l’altitude la plus basse constatée est de 700 m.